Comme j’ai été désappointée, cher Frédéric Beigbeder, en lisant votre critique des feel-good books et de leurs lecteurs que vous traitez d’incultes!
Quel mépris vous avez pour tout un pan de la littérature et pour son public!
J’ai étudié la littérature classique à l’université et je n’ai jamais prétendu avoir le talent ni le génie de Proust, de Baudelaire, ni de Virginia Woolf.
Bien sûr, ces auteurs ont révolutionné la littérature en leur temps et j’ai bien conscience, en publiant un feel-good book, qu’on ne pourra pas dire qu’il y aura eu un avant ni un après la parution de mon roman Banana Split.
Mon but avant tout, c’est d’écrire parce que pour moi c’est jubilatoire, quand j’écris je m’amuse comme lorsque j’étais assise avec mes amis au fond de la classe au lycée, j’aime jouer avec les mots et je tente de transformer mes chagrins, mes blessures et mes douleurs en blagues et mots d’esprit qui feront sourire le lecteur.
Apporter de la joie et du réconfort est-il synonyme d’inculture ?
Mes lectrices me disent que mon roman est léger et qu’il leur a apporté de la joie, du réconfort et une bonne dose d’espoir, sont-elles incultes pour autant?
Elles représentent un large public qui a soif de lecture et de littérature, qui achète des livres qui font du bien en grande quantité et que les critiques de l’émission Le masque et la plume méprisent tout comme vous.
De mon côté, j’ai toujours autant de plaisir à lire vos romans, et contrairement à vous, je ne fige pas la littérature dans un genre que j’affectionne exclusivement.
Oui bien sûr, je suis d’accord avec vous, la littérature doit nous plonger dans les profondeurs de l’âme humaine, de sa grandeur et de sa noirceur, elle doit nous faire sortir de notre torpeur et de notre confort, mais elle peut aussi tout simplement divertir le public et derrière un aspect léger, elle peut tout de même aborder les grands thèmes de la vie avec profondeur.
Si après une dure journée de travail, une mère de famille qui n’arrive pas à boucler ses fins de mois et qui jongle comme elle le peut entre les devoirs de ses enfants et les tâches ménagères, peut sourire et retrouver confiance en elle et en la vie en lisant un roman feel-good, eh bien je trouve cela formidable.
Il y a différents genres littéraires, comme différents types de films, et ce n’est pas parce que je n’aime pas les films violents que je condamne ce genre en disant que ce n’est pas du cinéma comme vous condamnez tout un genre de livres que vous considérez comme de la sous-littérature.
Dernièrement j’ai même pris sur moi pour regarder la série “Squid Game”, car je suis trop sensible pour regarder les films interdits aux moins de 12 ans et je me suis surprise à aimer cette série, car même si elle est violente, son style, son esthétique pop et son humour m’ont rendue addict à elle alors que je pensais être incapable de la supporter.
Il faut être plus tolérant et concevoir qu’on peut aimer les films de la Nouvelle Vague et apprécier un bon vieux film avec Louis de Funès, qu’on peut adorer la cuisine italienne et ne pas mépriser la cuisine indienne!
Les Anglo-Saxons sont bien moins élitistes que vous, mon père spirituel en littérature c’est Nick Hornby, dont les aventures des héros, des losers flamboyants, me divertissent et me font tout autant rire que réfléchir.
Quand cessera-t-on en France de mépriser la culture populaire et son public ?
On peut être à la fois un artiste populaire et exigeant et rendre des livres accessibles au plus large public est une noble mission.
Tout comme vous j’imagine, j’aime passionnément les livres de Gustave Flaubert, Madame Bovary, si on le résume à l’histoire d’une femme qui trompe son mari pour échapper au carcan de sa vie étriquée en province, pourrait faire penser à un banal roman de gare, mais tout le génie de Flaubert consiste à en faire un chef-d’œuvre en faisant passer la manière dont il écrit ce roman, avec son style unique, avant l’histoire qu’il raconte.
«Une littérature écrite avec le cœur et douceur est, comme l’a dit Marc Aurèle, invincible.»
Même si je n’ai pas toujours apprécié le fond de vos romans, j’en ai toujours aimé le style.
Alors de grâce, avant de condamner tout un pan de la littérature et ses lecteurs, acceptez qu’il existe différents genres littéraires pour différents publics et jugez les auteurs et autrices de feel-good books avant tout sur leur style avant de les fustiger.
Il n’y a aucun mal à faire du bien à ses lecteurs, et je suis persuadée qu’une littérature écrite avec le cœur et douceur est, comme l’a dit Marc Aurèle, invincible.