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ENTRETIEN. La cycliste indrienne Marion Sicot est enfin de retour

Le 19 juillet prochain, Marion Sicot, une cycliste indrienne reconnue, pourra reprendre la compétition après avoir été contrôlée positive au dopage et harcelée sexuellement. Elle raconte.

En juillet 2019, Marion Sicot, coureuse cycliste professionnelle indrienne évoluant au sein de l’équipe belge Doltcini-Van Eyck Sport, est contrôlée positive à l’EPO.

Suspendue aussitôt, l’athlète reconnaît sa faute en mars 2020, avouant l’avoir fait pour que son directeur sportif, Marc Bracke, la conserve dans l’équipe. En juin de la même année, elle porte plainte contre ce même directeur sportif pour fait de harcèlements sexuels.

L’ancien entraîneur lui avait d’abord demandé des photos en sous-vêtements avant de lui réclamer des clichés de plus en plus intimes. Avant-hier, après un an et demi de procédure et d’enquête, il a été suspendu de ses fonctions.

Marion, tout d’abord, comment allez-vous ? « Ça va. J’ai le moral, je fais du sport, j’ai de beaux objectifs et de belles perspectives d’avenir. »

Le 19 juillet prochain, votre sanction est levée. Vous pouvez reprendre la compétition. Quelles sont vos prochaines échéances ?

« Je reprends dès le 25 juillet. Je participe à une course cycliste féminine élite qui se déroule à Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire) sur 118 km. C’est pas mal pour ma reprise. Ensuite, le 15 août, je vais faire l’Ironman d’Embrun, l’un des plus durs au monde. Puis, les 19 et 20 septembre, je me rends au triathlon de l’Alpe d’Huez où je vais tenter de battre le record du monde du plus grand nombre de dénivelés positifs en 24 h. Enfin, le 17 octobre, je serai aux championnats de France de duathlon, à Douai, dans le Nord de la France. Je ne lancerai ma saison sur route qu’à partir de l’année prochaine. »

Pensez-vous vraiment être prête pour ce type d’échéances ? N’allez-vous pas trop vite en besogne ?

« Non. Ce n’est pas parce que je n’ai pas fait de compétition depuis un moment que je ne travaille pas dur. Je m’entraîne entre 25 et 30 h par semaine. Soit plus que lorsque je pratiquais uniquement le cyclisme. Je m’impose vraiment des grosses charges de travail. Pour la tentative de record du monde, j’ai fait un 8 h et j’étais en avance sur le record. Le 18 juillet, je vais carrément à l’Alpe d’Huez pour faire un 12 h et avoir mon tableau de marche. Le reste, c’est dans la tête. Et après quasiment deux ans sans compétition, je vous assure que l’envie est là. »

Je sais que j’ai fauté, j’ai avoué. En même temps, j’ai subi des choses avec mon directeur sportif qui n’étaient pas simples. Je suis descendue bien bas.Marion Sicot, cycliste Le Blanc

On vous sent très forte mentalement… « Oui, je le suis. Je sais que j’ai fauté, j’ai avoué. En même temps, j’ai subi des choses avec mon directeur sportif qui n’étaient pas simples. Je suis descendue bien bas. Mais, aujourd’hui, je suis là et j’ai envie de profiter de chaque instant. »

Maintenant que vous vous lancez dans le duathlon et le triathlon, pourquoi ne pas laisser tomber la course cycliste ?

« J’ai autant envie de faire de la course cycliste, du duathlon comme du triathlon. Je ne m’interdis rien, j’ai juste envie de me faire plaisir. J’aime le duathlon et le triathlon parce que l’on varie les sports et les épreuves, ce qui évite la lassitude. Et aussi le fait que sur les distances longues, contrairement à la course cycliste pure, il n’y a pas de tactique. Si tu es fort, tu es devant ; si tu ne l’es pas, tu es derrière. C’est aussi simple que ça. Cependant, mon premier amour reste le vélo. Je cherche encore à trouver mon équilibre. »

Vous qui êtes une pure cycliste, comment vous êtes-vous entraînée à la course à pied et à la natation ?

« Mon coach personnel, c’est Vincent Martins, qui est cycliste au niveau régional. Mais c’est surtout mon meilleur ami, celui qui m’a toujours supporté. Il est axé cyclisme évidemment. C’est pourquoi, pour la partie triathlon et duathlon, je me renseigne beaucoup auprès d’un ami triathlète qui vit à côté de chez moi et qui me donne des exercices. Je me suis mise à la natation, mais j’avoue avoir pris beaucoup de retard à cause du coronavirus. Il ne faut pas se leurrer, mon but en nage sera surtout de limiter la casse, avant de faire un gros travail cet hiver avec un prof. »

Vous avez rejoint le club du TCCM 36 (1). Pourquoi ce choix ?

« C’est Tanguy (Uguen), l’un de leurs entraîneurs, qui m’a écrit lorsqu’il a appris que je me lançais dans le triathlon. Nous nous sommes rencontrés, le contact est très bien passé. C’est un club familial, avec un président proche de ses athlètes. Tout ce dont j’ai besoin pour performer. Avec eux, je vais concourir en D2 de duathlon. On verra la suite. J’ai été très touché qu’ils viennent vers moi et pour cela je vais me donner à fond. »

Conservez-vous votre poste à la tête de la section cycliste de Le Blanc ? « Oui, je serai toujours là-bas l’année prochaine. Cela me tient à cœur. »

L’entraîneur belge Marc Bracke, votre ancien directeur sportif, vient d’être suspendu trois ans de toutes fonctions dans le cyclisme par l’UCI (2). Comment avez-vous réagi ?

« J’étais satisfaite et un peu soulagée. Cela fait un an et demi de procédure. J’ai enfin été reconnue en tant que victime de harcèlements sexuels. Moi, lorsque j’ai fauté avec le dopage, j’avais été suspendu directement. Lui, il a pu continuer sa vie de tous les jours, il était toujours directeur sportif. C’était difficile à vivre, car ma vie s’était plus ou moins arrêtée à partir du 18 juillet 2019. »

Trouvez-vous la sanction suffisamment forte ? Ne craignez-vous pas qu’il recommence une fois la suspension levée ?

« Je ne vais pas jeter la pierre sur une personne qui a fait une faute. Moi-même, j’ai fait des erreurs. Je pense que chaque personne a le droit à une seconde chance. Dire le contraire serait mal placé de ma part. Trois ans, c’est bien et j’espère que cela va lui permettre de réfléchir à ses actes passés et de se reconstruire différemment ensuite. Ce n’est pas encore gagné, puisqu’il fait appel de la décision prononcée. »

L’affaire est toujours en cours au pénal. Avez-vous bon espoir qu’il soit condamné ?

« Oui, j’espère avoir des nouvelles rapidement. J’ai été interrogé par le service des forces de l’ordre chargé de l’affaire, auquel j’ai donné les preuves écrites. J’ai tout conservé, il y a des centaines de messages. Je pense que la justice fera son travail. »

Aujourd’hui, quel est votre regard sur l’affaire de dopage vous concernant ?

« Forcément, je regrette mon geste. Mais ce qui est fait est fait, je ne peux pas revenir en arrière. J’étais vraiment mal, je m’étais trop isolée et je n’ai pas fait le bon choix. C’est pour cela qu’ensuite j’ai décidé de parler. J’ai mérité ma punition. Mais j’avoue que ce fut une période très difficile. Je suis tombée en dépression. J’avais même fait une assurance obsèques. C’est vous dire à quel point j’étais tombée bas. Aujourd’hui, je suis plus forte et je sais que cette histoire m’a rendu meilleure. Je vois la vie différemment. »

Ressentez-vous le besoin de reconstruire votre image ?

« Oui, bien sûr. Mais je tiens à rappeler que j’ai toujours obtenu mes victoires avec mes jambes et non avec des produits dopants. Pour ma reprise à la compétition, cela fait plus d’un mois que je suis inscrite sur le logiciel “ Adams ”, un instrument de gestion en ligne qui simplifie l’administration des opérations antidopage des partenaires et des sportifs au quotidien, créé par l’Agence mondiale antidopage. Chaque jour, je donne une heure de disponibilité pour un contrôle de dopage inopiné pour montrer que je suis propre. J’ai envie de m’investir dans cette lutte. »

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

« Que mon livre fonctionne (rires). De faire un bon Ironman à Embrun où je vise un top 5 et de battre le record du monde des 24 h. »
(1) Triathlon Club Châteauroux Métropole 36.

(2) Union cycliste internationale.

Article publié le 25/06/2021 sur https://www.lanouvellerepublique.fr
Lien de l’article : https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/cyclisme-marion-sicot-est-enfin-de-retour