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« 101 ans, mémé part en vadrouille » dans Ouest France

Elle offre à sa grand-mère, centenaire, un road-trip en camping-car et une jolie fin de vie

​A l’occasion de la fête européenne du camping-car, organisée du 20 au 22 mai à Noron, Fiona Lauriol est venue raconter son histoire. Celle d’une petite-fille qui a refusé de laisser sa grand-mère dépérir et s’éteindre au sein d’un service de soins de suite et de réadaptation (SSR). Elle lui a offert de folles échappées en camping-car.

Dominique a fêté ses 103 avec sa petite-fille, Fiona Lauriol, qui lui a offert un cadeau inestimable : voyager et retrouver le goût de vivre. ​ | FIONA LAURIOL

C’est une belle histoire dont elle a tiré un livre plein de vie et d’énergie. Samedi 21 mai, Fiona Lauriol, 40 ans, est venue la raconter à Niort, dans le cadre de la fête européenne du campingcar. Tout commence en août 2017. En région parisienne, sa grandmère maternelle, déjà centenaire, semble lâcher prise dans un service de soins de suite et de réadaptation (SSR). Elle était très fatiguée, avait beaucoup maigri. On m’a expliqué qu’elle n’en avait plus que pour une semaine. Alors j’ai décidé de la ramener à La Faute-sur-Mer, en Vendée, tout en m’entendant dire que le trajet risquait de lui être fatal​, raconte Fiona. Au départ elle était toute contente parce qu’elle pensait rentrer chez elleà Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Le trajet a été long et elle a été un peu déçue en arrivant.

La déception ne sera que passagère. Les mois passent, Dominique reprend des forces. Sans pour autant se projeter, s’accrocher à une envie. Un jour je rentre dans sa chambre. Elle fixait un mur blanc. J’avais un vieux campingcar et j’ai toujours voyagé. Alors j’ai décidé de lui proposer de partir sur les routes avec moi​, se souvient la jeune femme. Je lui ai parlé de la Côte d’Azur, de son village natal, en Italie. Je lui ai expliqué comment fonctionnait un campingcar. Et puis j’ai aussi discuté de ce projet avec mes parents. Ma maman était farouchement contre. Mon papa, dont les relations avec sa belle-mère étaient depuis des années très mauvaises, a souri à l’idée.

Elle devait décéder dans la semaine…

Tout le monde décide finalement de lever l’ancre. Fiona et sa grandmère prennent la route le 1er octobre 2018 en campingcar. Thierry et Fosca les suivent à bord d’un fourgon aménagé. Le premier voyage, une sorte de test​, va durer quarante jours. Le lendemain de notre retour à La Faute, elle m’a demandé quand on repartait. On a tout de même pris le temps de faire une pause d’un mois. Je lui ai fait faire un passeport. Début janvier 2019, on a entamé un périple de quatre mois. Cap sur l’Espagne. Mémé fêtera ses 102 ans à Almeria, en Andalousie. Au départ elle ne voulait pas trop bouger. Au fur et à mesure du voyage, plus on avançait, plus elle retrouvait de la motricité. Elle s’émerveillait de tout.​

Après un retour en Vendée début mai 2019, un nouveau projet voit le jour : Saint-Jacques-de-Compostelle. Mon petit campingcar avait plus de 200 000 km. J’ai décidé d’en acheter un autre, plus confortable. Nous avons pu repartir en juillet et faire des tronçons du chemin de Saint-Jacques. Je la poussais dans son fauteuil. Des échappées belles, il y en aura d’autres. Quelques surprises s’inviteront en route. Nous avons été rattrapées par le premier confinement en Espagne. Impossible de quitter le village de Bellus, du côté de Valence. Cela a duré deux mois.

Au printemps 2020, un projet pointe le bout de son nez : rallier la Roumanie. Mais une semaine après le départ, Dominique n’a plus la force de poursuivre l’aventure. Le Samu est arrivé. On m’a fait comprendre que la fin était proche. Je pensais qu’elle se relèverait encore. Pour moi, elle était devenue indestructible. Elle a été admise à l’hôpital de Luçon. Son dernier grand voyage, la vieille dame le fera seule. Je lui ai dit à l’oreille que si elle voulait partir, elle pouvait y aller. Elle s’est éteinte dans son sommeil dans la nuit du dimanche au lundi à l’âge de 103 ans, 3 mois et 3 semaines. Elle était apaisée, belle. On devrait tous pouvoir partir comme ça.

Un livre puis un film

Fiona Lauriol a écrit un livre racontant son extraordinaire périple en campingcar avec sa grandmère centenaire : « 101 ans, mémé part en vadrouille ». Sorti le 4 novembre 2021, il a été édité par Blacklephant. Plus de dix mille exemplaires ont déjà été vendus. Il va également être traduit. C’est déjà signé pour l’Italie. Et doit être adapté à l’écran​, se réjouit l’auteure.

« La vieillesse n’est pas une sale maladie »

Vivre cette aventure m’a ouvert les yeux sur le monde de la vieillesse et j’ai envie de me battre pour faire bouger les lignes. Auprès de ma grandmère, j’ai appris à prendre le temps alors qu’on est toujours en train de courir​, confie Fiona Lauriol. On m’avait dit qu’elle n’avait plus qu’une semaine à vivre. Malgré son incontinence, malgré son déambulateur, on a eu la chance de vivre plus de trois années de folie. Et on a réussi, en campingcarà lui redonner ce si joli sourire.

Pour se faire entendre, Fiona a décidé de sillonner les routes de la France pendant un an. Elle va donner des conférences, s’inviter dans des Ehpad comme dans des lycées. Son but : Expliquer que la vieillesse n’est pas une sale maladie, qu’on n’a pas le droit d’enterrer les vieux avant l’heure sous prétexte qu’ils n’auraient plus rien à apporter. On devrait les écouter et les stimuler au lieu de leur offrir un mur blanc comme seul horizon. Même à 102 ans on peut assister à son premier concert à Tudela, près du désert des Bardenas, croiser un homme tout nu sur une plage hispanique, ou s’attaquer au chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Avec une énergie à déplacer des montagnes, la quadragénaire martèle qu’il faut agir maintenant car ce sera à notre tour à nous, un jour, si on ne fait rien, d’être installé face à un mur blanc​. Le 18 mai dernier, la jeune femme a donné une première conférence aux Petits Frères des pauvres, à Paris. A Niort samedi, elle a profité de la fête européenne du campingcar pour défendre une autre approche du grand âge.